(Jeanne Moreau, sociétaire de la Comédie française)
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Il ne s’agit pas ici d’ethnocentrisme ou de repli sur soi, mais de la prise en compte des faits de culture suivant une approche intégrée des problèmes de la vie collective, dans l’optique de la concertation sociale.
L’éthologie et l’étude comparative des espèces animales donnent des explications, fondées sur l’objectivité scientifique, de nos attitudes et comportements individuels, mutuels et réciproques au sein même de notre espèce. Avant toute observation scientifique expérimentale en milieu naturel ou en laboratoire, l’intuition philosophique ou théologique et l’invention littéraire avaient déjà ouvert cette voie, depuis l’Arche de Noé, les fables d’Esope et de La Fontaine ou le Roman de Renart, jusqu’à George ORWELL avec «Animal Farm»
Mais pour trouver des solutions raisonnables à des problèmes conflictuels de la vie en communautés, si nous devions exclusivement recourir à des modèles issus de ce que certains anti-darwiniens désignent par dérision «les dents et les griffes» de la nature, ce serait nier l’apport indéniable de toute civilisation, et de toute tradition culturelle. Ces solutions se concrétisent en des compromis bâtis sur l’argumentation logique à la fois subjective et objective (l’interrogation de l’objet par le sujet produit sur fond de désir le projet dans le sens complet de motivation : on dit bien expressément «l’objet des ressentiments» et «le sujet des préoccupations»)
Aucune prospective de développement ne peut s’inventorier, aucune utopie ne peut s’imaginer sans référence à l’expérience vécue dans un contexte culturel donné, lequel n’est pas fait seulement de matériaux bruts, mais exprimé par, et dans une tradition communautaire et cultuelle, laquelle tradition fonde la culture dans sa légitimité sociale.
Dans le débat politique, la dialectique de légitimation des discours sur le pacte social tendant à la répartition entre salaires et profits ne peut faire l’impasse (comme le fait délibérément le néolibéralisme) de ce type d’analyse, interpellant à la fois l’anthropologie et l’épistémologie, sans verser dans le sophisme et la démagogie, instruments des extrémismes suicidaires.
La personne humaine dans ce qu’elle a de plus inaliénable ne s’inscrit pas dans une démarche naturelle, mais suivant l’étymologie, fait usage de l’indispensable masque de théâtre (du latin per-sona) à travers lequel le personnage - la dite «créature humaine» - adopte l’itinéraire intérieur de sa propre liberté, dans les limites d’une culture imprescriptible ou d’une civilisation sans lesquelles l’anomie le conduirait à la perte des repères essentiels de l’existence.
Plus radicalement, si l’on admet d’opposer transcendance spirituelle et immanence divine, il faut laisser à l’immanence les phénomènes intuitifs et préconscients, tandis que dans la sphère de la rationalité logique l’esprit doit conserver l’intégrité de ses prérogatives essentielles, caractéristique de la transcendance.
Pour l’artiste singulièrement, selon la boutade du moderne troubadour «Sans technique, un don n’est jamais qu’une sale manie.» (Georges BRASSENS)
Pour dépasser la culture de la haine par la haine de la culture, la civilisation se construit sur un art d’aimer dans l’amour de l’art. De Luigi Pirandello à Antonin Artaud, en passant par Eugène Ionesco, le surréalisme au théâtre – ou l’hyperréalisme d’Artaud - questionne un prétendu sens naturel des affects et démonte leur expression, polymorphe et multiple, à travers les vicissitudes de l’existence individuelle.
A la plate et banale évidence de la nature, le sens de l’absurde substitue l’interprétation de la liberté qui procède d’une signification du gratuit ou relève d’une recherche de la grâce. La rémission du «péché originel» pour les uns, le «passage du cru au cuit» pour les autres, sont comme autant de petits pas des individus dans leur recherche d’un grand pas de l’humanité vers l’abandon du dit «textile» naturiste.
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